dimanche 26 septembre 2010

Poèmes dans la revue "Friches", n° 105, septembre 2010



Le recueil Processionnaires ayant été nominé pour le prix Troubadours 2010, des extraits (17 poèmes) ont été sélectionnés pour paraître dans le n° 105 de la revue Friches. Voici quelques extraits du quatrième chapitre "Nombres" :

Processionnaires
IV. Nombres
(extraits)


Chenille
cherchant son identité
dans la multitude
dans la paresse des ressemblances


*


Chenilles riant
à la barbe urtiquante
d’un pin


*


De la paume du pin
filent des cocons de soie

Les chenilles tissent
un linceul



*




Doigts rampant
le long de la cuisse du pin

Les multiples anneaux
pourraient faire croire
à une alliance


*



Dans une tranchée de boue
des chenilles se croient
poilus avant l’assaut
parmi des feuilles éclatées


*



Soldats devenus hommes-troncs
les chenilles cachent
leurs gueules cassées
sous taches et médailles

Note de lecture de Gilles Lades sur "L'apétit de la mort"

« Cet ouvrage sur la mort que l’on se donne n’est pas un traité sur le suicide, ni un sinistre inventaire des différentes manières de se suicider. Mais c’est tout de même un inventaire de cas où la pulsion de mort a trouvé, aurait trouvé à se satisfaire. D’où un classement (se noyer, se pendre, se tirer une balle,…) Le tragique est que cela « a eu lieu », et que l’on suit le cheminement fatal de l’idée, ou de l’acte, qui ne font plus qu’un.
Le dernier vers a souvent un terrible retentissement explicatif (à propos du poison : « Par ta bouche/ tu as voulu finir/ ce qui n’avait pu commencer » : quel amour, quelle parole placer dans « ce qui n’avait pu commencer » ?). La force de ces poèmes est de suggérer le terrible qui explique cet acte terrible. Et c’est alors que surgit la blessure la plus vive :
« Tu avais gardé le visage rose/ d’une enfance encombrante ».
Souvent, le psychologique et le métaphysique se rejoignent. Par exemple :
« Colère divine/ que d’engloutir le regard /de ceux qui ne regardent plus ».
Le suicide broie les perspectives avec une ironie tragique. De tel idéaliste suicidé par défenestration, il est dit :
« Pour toi / la hauteur seule/ donnait signe et perspective ».
Cette ironie tragique se joue des apparences, comme dans ce sinistre échange de formes (pour une personne morte dans un accident) :
« le bois offre à l’acier/ le privilège/ de la dernière demeure ».
Dans ces textes brefs, le lecteur doit remonter tout l’espace du sous-entendu. Avec le poète, nous entrons dans le processus des derniers instants.
Souvent, l’ambiguïté est une cruauté de plus : comment interpréter « nourricier » dans « le retour nourricier de la voiture contre l’arbre et la terre ? »
L’exiguïté de la forme suggère l’enfermement et le tragique de l’enfermement :
« Tu te savais/ tête et bras/ codétenus ».
L’on ne sait ce qui est le plus insoutenable, de l’horreur en pleine lumière, ou de l’indifférence :
« Je préfère imaginer/ la couleur des wagons/ le sourire morne/ des passagers ».
Devant cette puissance aussi redoutable qu’impossible à localiser, le poète lance son infatigable lucidité, comme un explorateur que sauve chaque nouveau pas. »

Note de lecture de Philippe Biget sur "L'appétit de la mort"

Cette note de lecture doit paraître dans le prochain numéro de la revue Poésie première :

« L’appétit de la mort est un banal constat biologique sans grand mystère. Toute autre est la fascination que l’issue fatale exerce sur beaucoup d’entre nous, ne serait-ce que de façon inconsciente ; elle hante l’esprit humain depuis l’origine des temps, toutes les mythologies en attestent. C’est ce domaine trouble que Thomas Duranteau explore au long d’une sorte d’inventaire des moyens de mettre fin à ses jours : s’empoisonner, se noyer, etc. En sept courtes compositions de sept poèmes chacune, le poète impute à Dieu les sept péchés capitaux. Ensuite, la magie du chiffre sept se brise. On n’avait pourtant que l’embarras du choix pour attribuer à Dieu d’autres péchés. Mais la huitième et ultime composition bascule dans un épilogue moraliste qui réconfortera les bonnes âmes sans ajouter à l’intérêt littéraire du livre.
Car cet intérêt est grand. Thomas Duranteau a le talent de condenser son expression poétique en images et tournures inventives :

Combien de temps dura ta chute ?
nul ne sait
le fracas a devancé l’impact
écho mal réglé
ou encore :
Une petite balle
à l’assaut d’un empire
uni dans sa finitude

Les illustrations expressionnistes et dynamiques de Lydie Arickx ajoutent à la dimension tragique de l’ouvrage. »

Note de lecture d'Alain Lacouchie sur "L'appétit de la mort"

Cette note de lecture a été publiée dans la revue Friches, n°105, septembre 2010 :

« Huit chapitres avec des titre surprenants : « s’empoisonner », « se noyer », « se pendre », « se tirer une balle », etc. Suicide, mode d’emploi ? Oui. Et, tout de suite, cette question de savoir pourquoi le poète s’engloutit dans la rédaction de ses suicides… En écho, dans ses courts textes à l’écriture sèche, il nous place face à ces diverses situations avec cette distance froide qi convient si bien à son discours :
« En me penchant sur l’eau
j’ai l’impression de te voir
dans mon reflet difforme
dans les grimaces de l’abîme »
Cette absence de concession nous inuse un malaise qui se transforme bientôt en interrogation(s) : solitude, mort, etc. Un recueil à lire plusieurs fois ?

En « bonus » : des illustrations en monochromes dans lesquelles des personnages incertains apparaissent à travers une ébauche, un trait qui dissipe dans des taches incertaines : malaise encore. Du travail fort. »

jeudi 23 septembre 2010

Poèmes dans la revue "Comme en poésie", n° 43, septembre 2010


"Comme en poésie", Jean-Pierre Lesieur, 2149 avenue du Tour du Lac, 40150 Hossegor


Quelques poèmes, parmi ceux publiés dans cette revue, tirés de la partie :
"Ruine de la deuxième pierre"

(extraits du recueil inédit : Gastrolithes)






Chercher à tout prix
à voir l’intérieur
entre les jambes de l’abandon
avant démolition
ou plus
avant l’oubli

Qui d’autres
portera cette charge ?


*


À l’oreille rouillée des portes
chuchoter
le récit d’une apothéose


*


Il arrive que la ruine
vous mette à la porte
de vous-même
étranger de vos paroles
conservant pour elle
des mots choisis
dans la poussière

*

Poutres sans plancher
se convertir au silence
et aux sauts
des poussières acrobates


*


La ruine aime jachère
montrant les ronces
qui brillent
autour de son cou


*


Le vent pilleur de tombes
a retourné les murs
sac vidé au sol
laissant des mots de brique
à demi envolés
et de la lumière
excisée par le semblant
d’une promesse


*


Quand rien ne parle
quand rien ne bouge
quand le silence même
thésaurise mes pas